Hugues Ciray
4 mars 2020
La recevabilité des demandes additionnelles en matière prud’homale
Les règles spéciales relatives à la recevabilité des demandes nouvelles en matière prud’homale ont été abrogées pour les instances introduites depuis le 1er août 2016.
L’article R. 1452-2 du code du travail dispose désormais que la requête introductive d’instance doit expressément contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de celle-ci.
Toute prétention nouvelle, non mentionnée dans la requête initiale, est ainsi par principe irrecevable en cours d’instance prud’homale.
Il appartient alors au demandeur qui souhaite formuler une nouvelle prétention de saisir à nouveau le conseil de prud’hommes, telle est la conséquence de la suppression du principe de l’unicité de l’instance prud’homale.
Mais ce nouveau principe est atténué par les règles de droit commun de la procédure civile.
En première instance, les demandes incidentes, au sens de l’article 63 du code de procédure civile, demeurent recevables si elle se rattachent aux prétentions originaires par un « lien suffisant » selon l’article 70 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 4 du code de procédure civile, les prétentions originaires sont bien celles fixées dans l’acte introductif d’instance, soit la requête prud’homale adressée par le demandeur.
La « prétention » constitue quant à elle l’objet précis de la demande dont il est sollicité en justice qu’il y soit fait droit.
Dans ce cadre, en première instance, si le demandeur peut « modifier ses prétentions antérieures » par une demande incidente additionnelle, conformément à l’article 65 du code de procédure civile, encore faut-il que les prétentions modifiées présentent un lien suffisant avec les prétentions originaires.
A défaut de lien suffisant, la prétention nouvelle doit être jugée irrecevable.
Le lien suffisant est désormais une notion clé en matière prud’homale.
Mais, étonnamment, cette notion ne fait l’objet d’aucune définition précise, la Cour de cassation jugeant de manière quasi constante que le lien suffisant est souverainement apprécié par les juges du fond, ce qui lui évite de devoir en fournir une définition précise (Civ. 2ème, 12 avril 2018, 17-14.779).
Le lien suffisant est désormais une notion clé en matière prud’homale.
Selon la Cour de cassation, il conviendrait d’opérer une comparaison entre les prétentions originaires formulées par le demandeur et les demandes incidentes soulevées par la suite par les parties pour déterminer si ces dernières présentent un lien suffisant et sont, de ce fait, recevables dans le cadre de l’action en justice introduite (Civ. 2ème, 17 octobre 2019, n° 18-16.683 ; Civ. 1ère, 28 novembre 2018, n° 17-15.945 ; Civ. 2ème, 23 février 2017, 16-12.859, publié au bulletin).
Mais cette indication est loin d’être satisfaisante et est sujette à l’insécurité juridique, tant pour le demandeur que le défendeur.
Une définition du lien suffisant peut néanmoins être dégagée par référence au contentieux de l’intervention volontaire en cause d’appel, dont la recevabilité est également assujettie à la démonstration préalable d’un lien suffisant entre l’intervention et les demandeurs originaires.
Dans ce cadre précis, le lien suffisant n’est pas établi en présence d’un litige susceptible d’être considéré comme nouveau par rapport au litige initial (Civ. 2ème, 15 décembre 2004, n° 01-01.463 ; Com., 13 décembre 2005, n° 03-17.741 ; Civ. 2ème, 5 juillet 2006, n° 03-19.588 ; Civ. 3ème, 23 janvier 2007, n° 06-13.604).
Appliquée à la recevabilité des demandes additionnelles en matière prud’homale, cette jurisprudence pourrait se traduire de la façon suivante :
– Le lien suffisant est exclu lorsque les demandes additionnelles tendent à instaurer un litige susceptible d’être considéré comme nouveau par rapport aux prétentions originaires ;
– Le lien est suffisant lorsque les demandes additionnelles ne font que prolonger et compléter les prétentions originaires, en tendant aux mêmes fins.