Jérémie Jardonnet
31 août 2023

Honoraires des experts du CSE : quel taux journalier ?

Le comité social et économique (CSE) peut, dans le cadre de ses nombreuses missions, avoir recours des experts, dont le coût est assumé en tout ou partie par l’employeur.

Il peut, à titre d’exemple, et sans souci d’exhaustivité, avoir recours à un expert-comptable notamment en vue de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise, en vue de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, à l’occasion d’opérations de concentration, à la suite de l’exercice d’un droit d’alerte économique, dans le contexte d’offres publiques d’acquisition, en cas de licenciements collectifs pour motif économique (C. trav., art. L. 2315-87 et suivants).

Le CSE peut également faire appel à un expert habilité (anciennement « experts agréés » pour le CHSCT) lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement, en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle (C. trav., art. L. 2315‐94).

La répartition des honoraires des experts du CSE s’effectue de la manière suivante :

Pour les experts-comptables (liste non exhaustive) :

– Orientations stratégiques de l’entreprise : 80% à la charge de l’employeur et 20% à la charge du CSE (C. trav., art. L. 2315-87) ;
– Situation économique et financière : 100% à la charge de l’employeur (C. trav., art. L. 2315-88 et s.) ;
– Politique sociale, conditions de travail et d’emploi : 100% à la charge de l’employeur (C. trav., art. L. 2315-91) ;
– Licenciements économiques collectifs avec PSE : 100% à la charge de l’employeur (C. trav., art. L. 2315-92).

Pour les experts habilités (liste non exhaustive) :

– Introduction de nouvelles technologies : 80 % employeur à la charge de l’employeur et 20 % à la charge du CSE (C. trav., art. L. 2315-94) ;
– Projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail : 80 % employeur à la charge de l’employeur et 20 % à la charge du CSE (C. trav., art. L. 2315-94) ;
– Risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel constaté dans l’établissement : 100% à la charge de l’employeur (C. trav., art. L. 2315-94).

Pour la préparation de ses travaux, précisons que le CSE peut faire appel à tout type d’expertise rémunérée par ses soins. C’est ce qu’on appelle l’expert libre (C. trav., art. L. 2315‐81).

Le contentieux relatif aux honoraires des experts comptables et des experts habilités du CSE est relativement abondant. En effet, la rémunération de l’expert-comptable du CSE ou de l’expert habilité du CSE fait l’objet de contestations régulières, puisque c’est l’employeur qui en assume en tout ou partie la charge.

En application de l’article L. 2315-86 du code du travail, il est important de rappeler que la contestation par l’employeur de l’expertise peut porter :

– soit sur la nécessité de recourir à un expert (il demande alors l’annulation de la délibération du CSE),
– soit sur le choix de l’expert (il demande l’annulation de la désignation de l’expert),
– soit sur le coût prévisionnel, la durée et l’étendue de l’expertise (il attaque alors la lettre de mission de l’expert),
– soit enfin, sur le coût final et pour cela (il soumet au juge la notification du coût final qu’on lui a adressé).

Pour mémoire, que ce soit l’expert-comptable ou l’expert habilité, les deux rédigent une lettre de mission, aux termes de laquelle ils détaillent notamment le nombre de jours prévisibles de la mission, usuellement selon un découpage séquentiel et par étapes de ladite mission. L’expert-comptable ou l’expert habilité précise dans sa lettre de mission le taux journalier de son intervention.

L’employeur, bien souvent, critique ce taux journalier pratiqué par l’expert dans le cadre d’une contestation du coût prévisionnel de l’expert du CSE.

S’agissant de l’expert habilité les taux journaliers suivants ont été validés par les juges du fond :

– 1.350 euros H.T. (CA Paris, Pôle 02 ch. 02, 7 nov. 2019, n° 18/05502),
– 1.450 euros H.T. (CA Nancy, 1ère ch., 13 juin 2016, nº 15/01852 ; CA Rouen, ch. civ. et comm., 18 mai 2017, n° 16/00777),
– 1.500 euros H.T. (TJ Paris, 7 mars 2023, n° 22/55368 ; TJ Saint-Denis, 3 mars 2022, n°22/00047 ; TJ Paris, 24 sept. 2020, n° 20/55921, TGI Rouen, ord. en la forme des référés 24 déc. 2019, n° 19/00562; CA Toulouse, 12 janv. 2017, n°16/04453) ;
– 1.590 euros H.T. (TJ Paris 28 mars 2023, n°22/58739).

L’analyse de la jurisprudence montre que les juges du fond réalisent une appréciation in concreto du taux facturé (compétence, expérience, technicité, pluridisciplinarité de l’équipe, usages dans la profession, etc.) (TJ Paris, 24 sept. 2020 précit.).

Outre la qualité et la technicité des intervenants qui justifient les taux journaliers pratiqués, les juridictions n’hésitent pas à rappeler que toute entreprise a un souci légitime de rentabilité (CA Rouen, ch. civ. et comm., 18 mai 2017, précit.).

L’employeur qui entend obtenir un abaissement du taux journalier appliqué argue, bien souvent, du taux journalier, parfois inférieur des experts comptables. Toutefois, cette argumentation est rejetée par les tribunaux, ceux-ci estimant que la comparaison avec les honoraires des experts comptables n’est pas pertinente, dès lors que les métiers et les missions des cabinets d’expertise agréés auprès des CHSCT relèvent de normes différentes (CA Paris, Pôle 02 ch. 02, 7 nov. 2019, précit).

S’agissant des experts-comptables, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 24 de l’Ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945, leurs honoraires « doivent être équitables et constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu ».

S’agissant des experts-comptables, les taux journaliers suivants ont été validés par les juges du fond :

– 1.350 euros H.T. (Cour d’appel de Paris – Pôle 06 ch. 01,13 oct. 2017, n° 16/20261 ; CA Paris – Pôle 01 ch. 03, 14 juin 2016, n° 15/01824),
– 1.450 euros H.T. (TGI Paris, 28 janv. 2016, n° 16/50167),
– 1.600 euros H.T. (CA Versailles – ch. 14,15 janv. 2014, n° 13/02904),
– ou 1.750 euros H.T. (TGI Paris, 18 mars 2014, n° 14/50473).

L’augmentation, par les employeurs, du contentieux relatif aux honoraires de l’expert du CSE amène à se questionner sur d’autres raisons, parfois inavouées, des obstructions de principe aux missions d’assistance des CSE par un expert-comptable ou un expert habilité. Cette stratégie peut malheureusement avoir pour objectif de :

– Prolonger les délais de réalisation de l’expertise. Ainsi, le rapport de l’expert perd de sa pertinence et ne permet pas aux membres du CSE d’avoir un diagnostic actualisé de la situation de l’entreprise au moment opportun,

– Dissuader le recours aux experts auprès des élus,

– Multiplier les situations contentieuses pour intimider les membres du comité mais aussi diminuer la rentabilité de la mission de l’expert,

– Imposer un coût financier au CSE lorsqu’il recours à une expertise, ce dernier étant contraint d’engager des frais d’avocat pour le bon déroulement de la mission,

– Plus généralement, faire obstruction aux prérogatives du CSE.

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